Georges Baumgartner

Tokyo et les Jeux Olympiques : histoire et défis (1/3)

Tokyo à l’aube des Jeux

Le contexte dans lequel s’inscrivent les Jeux de Tokyo 2020 est exceptionnel :
En 2013, deux ans après l’accident nucléaire de Fukushima et du gigantesque séisme dû au tsunami, l’attribution des Jeux Olympiques à Tokyo suscite de grands espoirs à tel point qu’ils sont surnommés les « Jeux de la Reconstruction ». Mais en mars 2020, la pandémie liée à la COVID-19 oblige à reporter les Jeux à 2021 – une décision historique !
Un an après, le virus est toujours présent mais les organisateurs maintiennent le cap. La tenue des Jeux dans une situation sanitaire aussi inédite est un défi incroyable qui fera date.
Comment les Japonais ont-ils vécu ce report ? Et comment s’apprêtent-ils à accueillir les Jeux ? Le Musée Olympique donne la parole à une personnalité bien connue des Romands : Georges Baumgartner. Il nous livre ici en toute franchise son regard sur l’événement et son expérience du Japon.

Georges Baumgartner :


© 2020, G. Baumgartner

Résidant depuis 1982 au Japon, Georges Baumgartner est un spécialiste du pays. Journaliste et correspondant au Japon pour la Radio Télévision Suisse (RTS) jusqu’en 2012, puis président du prestigieux Club des correspondants étrangers au Japon de 2010 à 2013, il est connu notamment pour son inoubliable signature en fin de reportage : « Georges Baumgartner, Radio suisse romande, Tokyo ». Devenu une célébrité tant par son professionnalisme que ses formules emblématiques, Georges Baumgartner continue de vivre à Tokyo où il suit avec assiduité l’actualité de son pays d’adoption.
A l’occasion du 10e anniversaire du séisme de 2011 et des accidents nucléaires provoqués à Fukushima, la RTS fait appel à son ancien correspondant, retraité du service public, pour connaître ses analyses sur les répercussions de ces drames sur la société japonaise.

 

#3, Georges Baumgartner : Tokyo et les Jeux Olympiques : histoire et défis (1/3)

 

Tokyo, une ville du présent

Afin de contextualiser cette discussion, Georges Baumgartner nous rappelle le statut de la ville de Tokyo. C’est la plus jeune des grandes villes du monde et son point de référence est bien plus lié au présent qu’au passé. Tokyo, entièrement détruite à trois reprises entre 1855 et 1945, deux fois à la suite d’un tremblement de terre et une dernière fois par les bombardements américains, conserve sa tradition de ville du phénix qui sans cesse renait de ses cendres. Tokyo est avant tout une ville du présent et sait se réinventer chaque jour. Elle est aujourd’hui la ville la plus riche du monde devant New-York, Los Angeles, Séoul, Londres et Paris.

 

Les « Jeux de la reconstruction »

Georges Baumgartner nous rapporte que les gens à Tokyo sont plutôt d’humeur sombre dans ce contexte lié à la pandémie mondiale. Mais il nous cite la phrase d’une nonne bouddhiste et écrivain japonaise, Jakuchō Setōchi : « Il n’y a pas d’espoir si on se fixe sur un seul problème. Il suffit parfois de changer un petit peu son angle de vue et l’on s’aperçoit qu’il est absurde de se préoccuper ». Il aborde aussi les faits historiques de l’annulation des Jeux auxquels Tokyo et Sapporo ont dû faire face en 1940 en raison de la Seconde Guerre mondiale. Quatre-vingts ans plus tard, les Japonais sont confrontés à un report. Avant 2020 et la pandémie, les Jeux de Tokyo 2020 sont appelés les « Jeux de la reconstruction » dont le message est de montrer au monde comment une ville, après un tsunami et un accident nucléaire, peut se redresser. Aujourd’hui le discours a un peu changé et s’adapte bien sûr à la pandémie mondiale.

La volonté du Gouvernement japonais est de dire que tout est rentré dans l’ordre à Fukushima. Pour preuve le complexe d’où est parti le relais de la flamme, le J-Village et qui servira cet été de centre d’entrainement pour les équipes japonaises. En amont des Jeux, des matchs du tournoi olympique auront lieu à une centaine de kilomètres de la centrale. Les Jeux de Tokyo 2020 doivent donc servir à tourner la page de cette catastrophe comme en 1964 les Jeux de Tokyo avaient servi à tourner la page des bombardements atomiques de 1945.


Le J-Village, centre d’entraînement national de Football et lieu de départ du Relais de la flamme olympique. © 2020, CIO

 

Vers une plus grande diversité dans la société japonaise

Georges Baumgartner nous décrit comment, dans une société en voie à un vieillissement accéléré de sa population, le Japon commence à comprendre qu’il doit s’ouvrir à l’immigration, devenir un Japon multiracial. Georges Baumgartner nous rappelle comment la Coupe du monde de rugby en 2019 est devenue une célébration nationale de la diversité. Il se pose pourtant la question de savoir si une poignée de stars sportives peut à elle seule transformer les attitudes japonaises à propos de la « japonicité ».

Georges Baumgartner nous cite aussi l’exemple de Naomi Osaka, joueuse de tennis, née d’une mère japonaise et d’un père tahitien, bien partie avant la pandémie pour incarner le visage des Jeux de Tokyo. Naomi Osaka a choisi la nationalité japonaise pour représenter le Japon, lequel ne reconnaît pas la double nationalité. Pourtant le défi du métissage ne signifie pas pour autant l’acceptation générale de la population japonaise. Et sa célébrité au Japon suscite d’ailleurs une controverse auprès de la population qui estime que son multiculturalisme ne ferait pas de Naomi Osaka une japonaise authentique.


La Japonaise Naomi Osaka lors du Miami Open 2021, en Floride. © 2021, Getty Images / Mark Brown

 

Le défi des Jeux en temps de pandémie

Démontrer au monde qu’ils peuvent organiser, malgré la pandémie et le scepticisme de la population japonaise, une compétition réunissant plus de 11’000 athlètes, sera pour le Japon un exploit aussi impressionnant que pour les Jeux de Tokyo 64.
Georges Baumgartner nous décrit comment les Jeux seront placés dans un système de bulle avec tout un arsenal sanitaire mis en place pour garantir la sécurité des participants. Selon Baumgartner c’est un scénario qui n’est pas sans risque mais si ce dispositif japonais fait ses preuves il pourra servir de modèle pour d’autres événements sportifs, culturels et économiques dans le monde.
Pour Georges Baumgartner, nul doute que le Japon réussira la mission d’organiser les Jeux dans ce contexte si difficile. Il nous rappelle d’ailleurs que certaines coutumes japonaises sont particulièrement adaptées à la situation : la poignée de main, pratique venue de l’Occident est désormais évitée ; les Japonais s’en tiennent à des salutations à distance par des courbettes dont l’inclinaison est savamment codée ; la bise à la mode en Europe n’est jamais entrée dans les mœurs ; le lavage des mains est vigoureusement inculqué dès le jardin d’enfants, tout comme le port du masque. Voilà des habitudes qu’il faut encourager auprès des participants aux Jeux et les risques de contagion seront infiniment réduits !

Retrouvez-nous pour l’épisode #4 dans lequel nous ferons un bond dans le passé pour explorer l’édition des Jeux de Tokyo 1964, toujours avec la précieuse intervention de Georges Baumgartner.

L’exposition gratuite Tokyo 2020 est présentée au Musée Olympique jusqu’au 21 novembre 2021.

A la Croisée des Jeux, le podcast qui rapproche sport et culture, en explorant l’influence des Jeux Olympiques sur vous, sur nous, sur nos imaginaires et dans la société, réalisé par Le Musée Olympique.

Pour en savoir plus : https://olympics.com/musee/visiter/agenda/celebrez-tokyo-2020
 

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