Georges Baumgartner

Tokyo et les Jeux Olympiques : histoire et défis (2/3)

Le Tokyo de 1964

Le Japon de Tokyo 2020 ne ressemble en rien à celui qui, 57 ans auparavant, a accueilli les premiers JO organisés sur le sol asiatique. En effet, 19 ans après la défaite de la Seconde Guerre mondiale et des terribles bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki, le Japon de 1964 compte sur les Jeux pour renaître de ses cendres et reprendre une place de choix sur l’échiquier mondial. Tokyo, choisie pour recevoir cet événement d’ampleur internationale, doit symboliser le renouveau du pays. Découvrons la capitale nippone de 1964 en compagnie de Georges Baumgartner.

Georges Baumgartner :


© 2020, G. Baumgartner

Résidant depuis 1982 au Japon, Georges Baumgartner est un spécialiste du pays. Journaliste et correspondant au Japon pour la Radio Télévision Suisse (RTS) jusqu’en 2012, puis président du prestigieux Club des correspondants étrangers au Japon de 2010 à 2013, il est connu notamment pour son inoubliable signature en fin de reportage : « Georges Baumgartner, Radio suisse romande, Tokyo ». Devenu une célébrité tant par son professionnalisme que ses formules emblématiques, Georges Baumgartner continue de vivre à Tokyo où il suit avec assiduité l’actualité de son pays d’adoption.
A l’occasion du 10e anniversaire du séisme de 2011 et des accidents nucléaires provoqués à Fukushima, la RTS fait appel à son ancien correspondant, retraité du service public, pour connaître ses analyses sur les répercussions de ces drames sur la société japonaise.

 

#4, Georges Baumgartner : Tokyo et les Jeux Olympiques : histoire et défis (2/3)
 

La modernisation de Tokyo de l’après-guerre

Alors que nous nous sommes quittés dans le premier épisode avec un Tokyo à la pointe de la technologie et en passe de relever l’énorme défi d’organiser les JO en temps de COVID, Georges Baumgartner nous rappelle que la ville de Tokyo des années 60 a d’abord dû effacer les traces de la Seconde Guerre mondiale. En effet, Tokyo portait les cicatrices des raids américains qui avaient été encore bien plus meurtriers que les deux bombes atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki.

Après la guerre, Tokyo ressemble à une ville moribonde et devient l’une de villes les plus polluées au monde. Le système d’égout est moyenâgeux, la ville est infestée par les rats, l’eau n’est pas potable et l’eau chaude pas disponible. Selon Georges Baumgartner, le Japon a donc investi 1,9 milliard de dollars au total pour sa modernisation et sa reconstruction pour accueillir les JO de 1964.

Les plans municipaux de Tokyo prévoient la reconstruction de plus de 10’000 immeubles, bureaux et résidences, une centaine de kilomètres de routes urbaines, un monorail entre l’aéroport de Haneda et Tokyo, 40 kilomètres de lignes de métro et un train à grande vitesse entre Tokyo et Osaka, le Shinkansen. Le gouvernement japonais développe un plan massif de croissance destiné à doubler simultanément le PNB et le revenu par habitant durant la décennie des années 60 grâce aux exportations de transistors, télévisions et voitures en Amérique du Nord et en Europe.

Les Tokyoïtes subissent tous ces chantiers avant l’ouverture des Jeux et résistent stoïquement à l’odeur du ciment, au smog, aux pollutions industrielles et au bruit constant.

Pour Georges Baumgartner, l’une des grandes modernisations est relative à la pose de nouveaux égouts. A l’époque, moins d’un quart des arrondissements en sont équipés.

 

Les constructions emblématiques

Basketteurs et nageurs disputent leurs médailles dans le gymnase national et son toit en suspension réalisé par l’architecte Kenzo Tange. Ce complexe olympique est également connu sous le nom de Yoyogi National Gymnasium, car il est situé à côté du parc du même nom.


Le Yoyogi National Gymnasium de Kenzo Tange. Avec ses deux voûtes concaves, couvertures légères réalisées selon la technique des voiles pré-tendues, ce bâtiment donne l’impression d’un grand oiseau en train de déployer ses ailes pour prendre son envol. © 2006 Getty Images

En 1958 est construit le stade olympique national de Tokyo qui servira de stade principal pendant les JO de Tokyo 1964. La capacité officielle du stade est de 50’339 places.


Le stade national Kasumigaoka, inauguré par l’empereur Hirohito le 10 octobre 1964 © 2019 Getty Images

Le Nippon Budokan est construit pour accueillir les premières compétitions olympiques de judo lors des JO de 1964. Il servira en 2021 pour accueillir les compétitions de judo et de karaté, 57 ans plus tard.


Vue aérienne du Nippon Budokan Hall, construit entre le palais impérial et le temple Yasukuni, dans le parc Kitanomaru. © 1964 CIO

Les 7000 athlètes résident au village olympique, dans le parc de Yoyogi situé au centre de la ville, à côté du sanctuaire Meiji-jingu. Cet emplacement revêt une signification particulière, comme nous le décrit Georges Baumgartner. En effet, les Jeux ont donné l’occasion au gouvernement japonais de déplacer la base américaine ayant pris résidence sur ce terrain pour leurs parades militaires et pour accueillir leurs familles.


Le village olympique de Tokyo 1964, situé dans le quartier du Yoyogi avec 510 maisons ou bungalows et 15 immeubles d’appartements ultra-modernes pour l’époque. © 2004 Getty Images
 

L’accueil des spectateurs étrangers

Georges Baumgartner nous décrit la période de ces quelques années avant les Jeux et dont beaucoup de Japonais se souviennent très bien ! Des affiches apparaissent dans le métro pour leur rappeler de ne plus uriner en public et de ne pas se balader en pyjama. Trois mots clés sont utilisés pour améliorer la moralité publique : propreté, ordre et gentillesse. De plus, il est interdit de fumer en marchant, de cracher dans la rue et de se saouler dans les lieux publics.

Afin de pouvoir accueillir au mieux les étrangers, les Japonais se mettent à l’anglais. La demande d’enseignement est si grande que des enfants américains expatriés sont recrutés pour aider dans l’apprentissage.

Pour les JO, le Japon attend plus de 30’000 spectateurs étrangers et il y a pénurie de chambres. Pour compliquer les choses, le gouvernement décide qu’aucun étranger ne peut acheter de billets sans présenter un justificatif de domicile. Qui plus est, les étrangers doivent verser un acompte de 50% sur les chambres réservées à l’avance. Ce qu’ils rechignent à faire sans la garantie de pouvoir obtenir des billets.

 

La cérémonie d’ouverture des JO

Les Jeux s’ouvrent le 10 octobre 1964. Yoshinori Sakai, né le jour du bombardement atomique de Hiroshima, porte la torche olympique et allume la vasque. Georges Baumgartner revient sur le rôle tenu par l’empereur Hirohito lors de la cérémonie et durant tous les JO. Il sera la seule personne à rester debout lors du défilé des délégations. Il effectue sa tâche non pas vraiment en tant que chef de l’état mais plutôt dans sa qualité de patron au sens du terme patronage. Après-guerre, l’empereur perd son statut de dieu vivant et son rôle consiste simplement à poursuivre l’histoire du Japon.


JO Tokyo 1964, Cérémonie d’ouverture – Hirohito, l’empereur du Japon déclare les Jeux ouverts. © 1964 CIO

La diffusion de la cérémonie est regardée par plus de 65% des Japonais. Ces JO sont les premiers à être retransmis par satellite en direct et en couleur. Seiko développe un système de chronométrage électronique et automatique unique au monde. Les Jeux Olympiques de Tokyo 1964 redonnent aux Japonais un sentiment de confiance. Tokyo, quant à elle, s’est transformée en mégalopole resplendissante.

 

Fascination orientale pour l’Olympisme

Le Japon participe pour la première fois aux Jeux Olympiques en 1912 à Stockholm et décroche ses premières médailles aux JO de 1920 à Anvers au tennis masculin. En 1936 à Berlin, les Japonais remporte alors six médailles d’or dont le marathon.

Georges Baumgartner indique que l’œuvre de Leni Riefenstahl, Olympia, tournée lors des JO de 1936 va trouver un élan extraordinaire au pays du Soleil Levant. Les Japonais, qui nourrissent depuis le 19e siècle une fascination pour la culture ancienne hellénique, apparaissent dans ce film comme des descendants des athlètes grecs antiques, au même titre que les athlètes occidentaux. Selon Georges Baumgartner, c’est une façon pour les Japonais de s’affranchir de la tutelle chinoise et d’une certaine manière de s’occidentaliser par le biais de l’Olympisme.

Pour cause de guerre, les Jeux prévus à Tokyo en 1940 sont annulés. De par son rôle dans le conflit mondial, le Japon se voit ensuite refuser la participation aux Jeux de 1948 à Londres. Tokyo 1964 permet enfin au Japon de tourner la page de son passé impérialiste.

Dans l’épisode #5 Georges Baumgartner nous parlera du sport dans la société japonaise, des arts martiaux à sa pratique actuelle. Nous verrons avec lui à quel point le sport est important pour transmettre des valeurs et servir de modèle aux Japonais.

L’exposition gratuite Tokyo 2020 est présentée au Musée Olympique jusqu’au 21 novembre 2021.

A la Croisée des Jeux, le podcast qui rapproche sport et culture, en explorant l’influence des Jeux Olympiques sur vous, sur nous, sur nos imaginaires et dans la société, réalisé par Le Musée Olympique.

Pour en savoir plus : https://olympics.com/musee/visiter/agenda/celebrez-tokyo-2020

 

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